SAINT SILOUANE AND FATHER SOPHRONY: NEWS IN THE INTERNET (Issue 2) I. ICONS AND PICTURES OF SAINT SILOUAN IN THE INTERNET II. PUBLICATIONS IN THE INTERNET: II.1. STARETS SILOUANE: UN SAINT ACTUEL ET UNIVERSEL by Maxime Egger (in French) II.2. ON THE LOVE OF ENEMIES: THE TEACHING OF ST. SILOUAN Fby Jean-Claude Larchet (in English) II.3. [TSITATA NEDELI] NEDELJA 10 PO PJATIDESJATNITSE (in Russian) II.4. BLESSED ARE THEY THAT HUNGER AND THIRST AFTER RIGHTEOUSNESS... by Fr. Victor Potapov (extract) (in English) II.5. CLIMB THE LADDER OF THE BEATITUDES by Jim Forest (extract) (in English) II.6. BLESSED ARE THE PEACEMAKERS... by Fr. Victor Potapov (extract) (in English) II.7. LESSONS FROM THE FATHERS - A PARABLE (extract) (in English) III. LETTERS FROM OUR READERS + + + I. ICONS AND PICTURES OF SAINT SILOUAN IN THE INTERNET: An icon by L.Ouspensky: An icone by Fr.Sophrony Sakharov of Maldon (Monastery of Saint John-the Baptist, Essex, England) An icone by Sr.Mary of Maldon (Association Saint-Silouane l'Athonite, Pully, Suisse) An icon by monks of Chevetogne: An icon from the Church of the Holy Monastery Metamorphoseos, Korea A contemporary Greek icon: A photo of Starets Siluan (about 1935): A photo of Starets Siluan: + + + II. PUBLICATIONS IN THE INTERNET STARETS SILOUANE :UN SAINT ACTUEL ET UNIVERSEL par Maxime Egger http://www.top.ca/USERS/THABOR/silouan2.htm INTRODUCTION Figure exceptionnelle de l'Église orthodoxe contemporaine, le starets Silouane me paraît parfaitement à sa place ici, à Sylvanès. Pas seulement pour une question d'homonymie - Sylvain et Sylvanès - mais aussi parce qu'il est à la fois un authentique témoin du Christ, un spirituel de notre temps et un saint universel. Un authentique témoin, c'est-à-dire un homme qui, par sa présence, sa vie et ses écrits, nous met en présence du Christ, non pas à travers une doctrine, un système théologique ou un discours, mais à travers une expérience directe de Dieu, vécue au plus profond de son être. Une expérience sous-tendue par une conscience dogmatique précise et rigoureuse, mais qui n'apparaît jamais en tant que telle, au premier plan, qui ne fait jamais écran, qui ne filtre jamais l'immédiateté brûlante et jaillissante de son témoignage, de sa relation vivante avec Dieu. Le starets Silouane ne parle que de ce qu'il a vu et connu par le Saint-Esprit, de ce qu'il a réalisé dans sa vie et vécu dans son être, corps, âme et esprit. Un authentique témoin du Christ donc, mais aussi un spirituel de notre temps. Je pense ici, comme signe évident de son actualité, plus particulièrement à cette parole qu'il a reçue du Christ, à peu près à la même époque où Einstein inventait la théorie de la relativité : " Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas ". Une parole qu'il nous a léguée pour notre entrée dans le XXe siècle. Une parole qui a déjà aidé d'innombrables personnes dans leur cheminement spirituel. Authentique témoin du Christ, spirituel de notre temps, le starets Silouane est enfin un saint universel, un " saint sans frontières " pour reprendre l'expression du Père Enzo Bianchi, prieur de la Communauté de Bose en Italie. De ce rayonnement universel, j'aimerais donner quatre exemples : - La réception du starets Silouane, la reconnaissance de sa sainteté au-delà des frontières visibles de l'Église orthodoxe, en particulier dans l'Église catholique. En 1958 déjà, Thomas Merton, célèbre moine cistercien américain, écrivait dans son livre, La paix monastique : " Peut-être découvrira-t-on que le moine le plus authentique du XXe siècle aura été le Père Silouane, ce remarquable Starets du Mont Athos ". Depuis, et même avant sa canonisation officielle, de nombreuses personnes - notamment des moines des abbayes de Saint-Wandrille, de Lérins et de Tamié - se sont placées sous la paternité spirituelle de Silouane en adoptant son nom. À Saint-Wandrille, Silouane est en bonne place dans la liste des intercesseurs, derrière la Vierge Marie, saint Benoît et saint Wandrille ; on l'invoque dans la litanie latine en ces termes : " saint Père Silouane de l'Athos, prie Dieu pour nous ". - La diffusion très large du livre du Père Sophrony, Starets Silouane, moine du Mont Athos, paru en 1963 aux Éditions Présence. Cet ouvrage a été traduit intégralement ou partiellement en une quinzaine de langues, dont l'arabe, le suédois, le japonais et le coréen. On peut affirmer que les écrits du starets sont lus autant, sinon plus, par les catholiques, les protestants et les anglicans que par les orthodoxes. - Le témoignage remarquable et bouleversant d'un détenu allemand, condamné à perpétuité pour homicide, qui a découvert les écrits du starets Silouane en prison et qui, touché par la grâce et la miséricorde de Dieu, s'est agenouillé sur le béton de sa cellule et, pour la première fois de son existence, a adressé une prière à Dieu. Par la suite, il a pris le nom de Silouane, étudié l'iconographie et, avec une grande détermination, commencé une vie de prière, de jeûne et de repentir. Bref, il a complètement changé de mode d'existence. Comme il le dit dans un livre publié en 1994 - Gott hinter Gittern (Herder) - " derrière les barreaux et les murs de la prison, je suis devenu un homme libre ". Le " succès " de la très jeune Association Saint Silouane l'Athonite qui, après une année et demie d'existence, compte quelque 200 membres [400 au début de 1998], dont plus de vingt-cinq monastères. Fondée avec la bénédiction de l'Archimandrite Sophrony, cette association a notamment pour but de faire connaître le témoignage du starets Silouane, en mettant son message à l'épreuve du monde et le monde à son épreuve. En conclusion de cette introduction, j'aimerais encore dire que cette universalité du starets Silouane a été confirmée et promue par le Patriarcat de Constantinople, qui a canonisé celui-ci le 26 novembre 1987. Dans l'acte de canonisation, le starets Silouane est présenté comme " docteur apostolique et prophétique de l'Église et du peuple chrétien ". L'important ici est le " et ", c'est-à-dire que Silouane est considéré non seulement comme un saint de et pour l'Église orthodoxe stricto sensu, mais de et pour tous les chrétiens de la terre habitée. Entrons maintenant dans le vif du sujet. Il y a évidemment d'innombrables manières de parler d'un saint. Pour ma part, j'ai décidé de mettre moins l'accent sur sa vie, sa biographie proprement dite ou sa personnalité - je me permets de renvoyer ici au livre fondamental de l'Archimandrite Sophrony - que sur son expérience et son enseignement spirituels. J'ai retenu plus particulièrement trois points, essentiels, qui témoignent bien de son actualité et de son universalité : 1. L'expérience du don et de la perte de la grâce. 2. Au coeur de ce mouvement de flux et de reflux de l'Esprit saint, la célèbre parole du Christ " tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas ". 3. La prière pour le monde entier, telle qu'elle est exprimée sur l'icône du saint, et l'amour des ennemis comme critère décisif et ultime de la vérité du témoignage chrétien et de l'Église. DON ET PERTE DE LA GRÂCE Le starets Silouane, de son vrai nom Syméon Ivanovitch Antonov, naît dans un village de la Russie (Chovsk) en 1866, c'est-à-dire une année après la publication des célèbres Récits d'un pèlerin russe. Sa famille est typique de la paysannerie russe, simple, pieuse et nombreuse - il a quatre frères et deux soeurs. Lui-même va mener la vie habituelle, " normale ", d'un jeune rural de son temps. Ainsi, il reçoit une éducation très rudimentaire - à peine deux hivers de scolarité. Il fait, comme le Christ, un apprentissage de charpentier. Il ira à l'armée, où il servira dans le bataillon de génie de la garde impériale. Physiquement, le starets Silouane est conforme à l'image qu'on se fait traditionnellement du moujik, un solide, fort et grand gaillard, doux et paisible de tempérament, ce qui ne l'empêche pas de se bagarrer à ses heures, d'aimer bien boire et manger, sortir avec les filles, jouer de l'accordéon, faire la fête. Il est une telle force de la nature qu'il peut, dit-on, boire trois litres de vodka sans rouler sous la table, ingurgiter sans problèmes, un jour de Pâques, une omelette faite de 50 oeufs ! Bref, jusqu'ici pas vraiment de quoi nourrir la verve poétique, le goût du merveilleux, du miraculeux et des légendes dorées des hagiographes byzantins. Du moins extérieurement. Car la vie intérieure de notre saint est d'un autre ordre. Pour la caractériser, je dirais qu'elle est, dès le départ, marquée par un mouvement qui est, pour le starets Silouane comme pour l'Archimandrite Sophrony, le coeur même de la croissance et du chemin ment spirituels. Cette dynamique, c'est une forme de synergie - de coopération entre la volonté de Dieu et la volonté de l'homme - en trois temps : don de la grâce, perte de la grâce et recouvrement de la grâce. Je crois que toute personne engagée sur la voie du Christ a, peu ou prou, à des degrés divers, consciemment ou non, fait cette expérience, vécu ces trois moments. Premier moment : le don de la grâce. Le starets Silouane écrit : " Avant d'être touché par la grâce, l'homme vit en pensant que tout est bien, que tout est en ordre dans son âme. Quand la grâce le visite, il découvre soudain une tout autre demeure en lui. " Une autre demeure, c'est-à-dire un autre espace intérieur, éclairé et révélé par le Saint-Esprit. Une découverte qui change sa vision des choses, renverse, inverse la perspective de son existence. Généralement, ce premier don de la grâce est gratuit. Le Seigneur dont Silouane dit qu'il nous aime plus qu'une mère aime ses enfants, car il n'oublie jamais personne - se fait connaître en premier, par pure bonté -c'est pour cela d'ailleurs que l'on peut le chercher. Dans cet état de l'être, l'homme est comme Adam au Paradis. Tout semble facile, harmonieux, agréable : vivre avec son prochain, prier, aller à l'église. On est plein de zèle, comme porté, inspiré, aspiré vers le haut, dans une forme de félicité pascale. Le problème, c'est que cet état intérieur, le plus souvent, ne dure pas. Je me souviens toujours de ce que me disait le Père Sophrony, peu après ma conversion au Christ et ma découverte de la tradition orthodoxe : " On ne s'installe pas au milieu de la mer Rouge. On la traverse, et, après, vient le désert. Quarante ans de désert ! " De même, les apôtres Pierre, Jacques et Jean n'ont pas pu planter des tentes sur le Mont Thabor. Ils ont dû redescendre dans la plaine et, pire encore, ils renieront et fuiront le Christ après son arrestation et sa crucifixion. C'est le deuxième moment de la croissance spirituelle : la perte de la grâce. Pourquoi ? Manque d'expérience spirituelle, de vigilance, d'attention. Mais aussi épreuve que Dieu, dans sa mystérieuse pédagogie, peut nous envoyer pour affermir notre âme dans la foi et l'humilité. Plongé dans un monde marqué par les conséquences de la chute, en proie à la faiblesse de la chair, l'homme n'arrive pas immédiatement à l'" impassibilité ", le repos de l'âme en Dieu. Son état intérieur est fluctuant. Tôt ou tard, la joie pascale qu'il a pu connaître, l'inspiration dans laquelle il baigne, l'action de l'Esprit Saint en lui s'atténue pour finir par disparaître. Victime de ses passions, il perd la grâce. Il a le sentiment que Dieu le lâche, que l'Esprit Saint le quitte, du moins sous sa forme tangible, perceptible. Car, " en réalité ", comme le dit le Père Sophrony, " ce n'est pas une complète perte de la grâce, mais subjectivement l'âme ressent la diminution des effets de la grâce comme un abandon de Dieu ". Il est vrai qu'il suffit d'un rien, un simple mouvement d'orgueil, une pensée de vanité ou de jugement d'autrui, un retour complaisant de la conscience sur elle-même, pour que le coeur se ferme et se durcisse, que les mauvaises pensées - racines du péché - naissent dans l'âme, que l'esprit s'obscurcisse, que " la main gauche ruine ce que la Droite du Seigneur envoie ". Tout alors devient pénible. L'envie de prier diminue, la tension et l'attention spirituelles se relâchent. Les relations avec autrui se compliquent. Parfois, ce sentiment d'abandon est tel que l'homme sombre dans l'acédie, cette maladie bien connue des moines que le Père Sophrony définit par " l'absence de souci pour le salut (...), la perte de la conscience que Dieu veut nous donner la vie éternelle ". Le ciel alors se voile. Les horizons se bouchent. Loin de chercher à s'élever vers Dieu, la vie se limite aux besoins quotidiens, aux passions du monde et aux actes routiniers. D'où la question suivante, cruciale et caractéristique du troisième moment : Comment retrouver la grâce qu'on a perdue ? C'est là qu'intervient l'ascèse, le travail sur soi-même, la transformation intérieure par le repentir, la conversion perpétuelle, la prière, le jeûne, la garde des commandements du Christ, l'apprentissage de l'humilité. Ici, nous dit le starets Silouane, l'homme entre dans une guerre contre l'Ennemi et contre lui-même. Un combat impitoyable qui ne va pas sans effort ni souffrance. Pensons, à titre de comparaison, aux mille jours d'enfer intérieur que saint Séraphin de Sarov a passés sur sa pierre. Pour pouvoir, comme lui, dire " ma joie " à chaque personne et irradier la lumière de l'Esprit Saint, pour pouvoir, comme Silouane, embrasser le monde entier d'un regard de douceur, d'amour et de compassion, il faut, d'une certaine manière, en payer le prix. Le Père Sophrony écrit : " Insondables sont les profondeurs de la vie en Christ. On ne peut les assimiler qu'au cours d'un long processus, qui requiert une grande tension intérieure et tous nos efforts. Douloureux est le combat que nous devons mener pour nous dépouiller des passions qui font obstacle à la venue de la Lumière. Si on perd le Saint-Esprit, on peut le retrouver, mais seulement au prix de nombreuses larmes, de longues prières ". C'est exactement ce que le starets Silouane va vivre. Mais, évidemment, avec une intensité, une violence, à la mesure de la grâce et des forces que Dieu va lui donner. À l'âge de quatre ans, après la visite d'un marchand de livres ambulant qui prétend dur comme fer que Dieu n'existe pas, le petit Silouane est troublé. Le doute s'insinue dans son esprit. Et il se dit : " Quand je serai grand, j'irai chercher Dieu par toute la terre. " Quinze ans plus tard, alors qu'il travaille sur un chantier, il est touché par le témoignage de la cuisinière de l'équipe, qui revient d'un pèlerinage sur la tombe d'un saint, où elle a vu s'accomplir des miracles. Il se dit : " S'il est saint, c'est que Dieu est avec nous, et je n'ai as besoin de parcourir la terre pour le trouver. " À cette pensée, qui est une vraie grâce, son coeur s'enflamme d'amour pour Dieu. Silouane a trouvé la foi. Il se convertit. Sa vie change. Il prie beaucoup en versant des larmes et il éprouve, pour la première fois, le désir de devenir moine. Mais son père lui dit qu'il doit d'abord faire son service militaire. Cet état exceptionnel, cette première grâce va durer trois mois, puis s'évanouir peu à peu. Silouane reprend une vie ordinaire, mondaine pourrait-on dire. Il va même commettre deux grands péchés, puisqu'il couche avec une fille (sans être marié) et que - au cours d'une bagarre - il frappe si fort le jeune cordonnier du village qu'il manque de peu le tuer. Mais Dieu, qui l'a élu, n'abandonne pas le jeune homme. Quelque temps plus tard - nouvelle grâce - il l'appelle à nouveau à travers une vision. Assoupi, Silouane rêve en effet qu'un serpent se glisse dans sa bouche et pénètre son coeur. Il se réveille, dégoûté, et il entend une voix, très belle et très douce, qu'il reconnaît comme celle de la Mère de Dieu : " Tu as avalé un serpent, et cela te répugne. Moi non plus je n'aime pas voir ce que tu fais. " Cette seconde grâce est déterminante. Silouane, à nouveau, se repent, mais plus profondément que la première fois. Un sens aigu du péché s'éveille en lui. Sa vision du monde, sa vie quotidienne, ses rapports avec les autres, tout se transforme. Il fait son armée et, après être allé demander à saint Jean de Cronstadt de prier pour lui, il se met en route pour le Mont Athos - haut lieu du monachisme orthodoxe - où il arrive en 1892. Il a 26 ans. Il devient moine au monastère russe de Saint Panteleïmon, véritable cité qui ne compte à l'époque pas moins de 2000 moines. Loin de tout, coupé du monde, le Mont Athos est-il le havre de paix et de stabilité auquel il rêve ? Il le croit. Mais il se trompe. Car l'alternance de grâces et d'abandons de Dieu qu'il a connue dans le monde se poursuit de plus belle, avec même une intensité redoublée. Ainsi, dès son arrivée, après s'être confessé, c'est plein de zèle que Silouane commence sa nouvelle vie de moine, se lance dans l'ascèse. Mais tout de suite, il est assailli de tentations charnelles, envahi de pensées obsédantes qui lui suggèrent de retourner dans le monde pour s'y marier. Un nouveau combat s'engage. Il lutte contre ces pensées, se repent, décide de prier sans relâche. Trois semaines plus tard, alors qu'il prie devant l'icône de la Mère de Dieu, il reçoit - nouvelle grâce exceptionnelle que la plupart des ascètes n'obtiennent généralement qu'après des années et des années de lutte - le don de la prière incessante. La prière de Jésus, " Seigneur Jésus Christ, fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur, " entre dans son coeur, se met à jaillir d'elle-même, sans effort, jour et nuit, accompagnée de larmes. Silouane vient - par la grâce de Dieu - de faire un bond sur l'échelle de la sainteté. Mais le risque de tomber n'en est que plus grand. Ce don, associé aux compliments de ses frères qui apprécient sa compagnie et la qualité de son travail, fait naître en lui des pensées de vanité, d'autosatisfaction. Il pense qu'il vit une vie exemplaire, que ses péchés lui sont pardonnés, bref qu'il est un bon moine. Et à nouveau, c'est la tourmente, le combat intérieur contre toutes sortes de pensées, de passions qui tantôt l'exaltent, tantôt le plongent dans l'abîme. Pire, comme à saint Antoine dans le désert d'Égypte, les démons lui apparaissent. Il redouble ses prières, mais il a le sentiment qu'elles se perdent dans le vide. Il se sent seul, abandonné, l'âme envahie de ténèbres. Ses forces physiques faiblissent. Il perd courage. Angoissé, désespéré, il s'effondra : " Dieu est inexorable, on a beau le prier, il ne nous écoute pas. " C'est alors, comme en réponse à sa détresse, ou plutôt à son abandon total dans les mains de Dieu, qu'il reçoit une grâce plus grande encore que les précédentes. Six mois après son arrivée au Mont Athos, pendant les vêpres, alors qu'il prie devant l'icône du Christ, le Seigneur lui apparaît. Le temps d'un éclair, Silouane voit le Christ vivant, rayonnant de lumière, de beauté et de joie. Instantanément, tout son être - corps, âme et esprit - se trouve rempli du feu de la grâce, de la lumière de l'Esprit Saint, de la plénitude de l'amour de Dieu. Une véritable illumination, qu'il vit comme une Pâque, une résurrection, une nouvelle naissance d'en haut, comme la béatitude d'Adam au Paradis. Il goûte, ici et maintenant, à la vie éternelle. Cette expérience, inouïe, sera dès lors la référence centrale et permanente de toute son existence. La source de son amour brûlant pour le Christ et toute la création, mais aussi de sa souffrance et de sa nostalgie sans fin, qu'il a si bien exprimée dans Les lamentations d'Adam. Pour celui qui a connu la gloire de Dieu, la joie, la paix, la douceur et l'amour qui l'accompagnent, la perte de la grâce, l'éloignement de Dieu est le plus grand des malheurs, nous dit le starets Silouane. Il se sent comme Adam chassé du Paradis, incapable de trouver le repos sur terre. Les souffrances de son âme sont sans limites. Il se lamente, crie : " Seigneur, pourquoi m'as-tu caché ton visage ? Où es-tu ? Où te caches-tu ? Pourquoi tardes-tu ? Mon âme languit après toi, Seigneur, et je te cherche avec des larmes. " Mais Silouane, malheureusement, n'a pas encore l'expérience, la maturité spirituelle qui lui permettrait de garder et de faire fructifier cette grâce incommensurable. Au fil des jours et des semaines, cet état de félicité pascale peu à peu s'affaiblit, jusqu'à s'évanouir presque complètement. Et le combat qu'il avait connu auparavant recommence. Encore plus fort, plus profond, plus radical. D'autant plus violent qu'un père spirituel, à qui il demande conseil, suscite en lui des pensées de vanité en disant : " Si tu es déjà maintenant comme tu es, que seras-tu dans ta vieillesse ? " Et voilà Silouane engagé dans le combat, impitoyable, contre la pire et la plus subtile des passions, l'origine de tous les maux et de tous les péchés selon les Pères de l'Église : l'orgueil. Une guerre sainte, acharnée, qui va durer quinze ans. Une période où quasiment seul - car aucun des pères spirituels qu'il a consultés ne peut l'aider - Silouane va se livrer à une ascèse extrême, passant l'essentiel de ses nuits en prière, dans une lutte sans répit contre les pensées qui troublent et enténèbrent son esprit, contre les démons qui lui apparaissent. " Si le Seigneur ne m'avait fait connaître au commencement de quel amour il aime les hommes, je n'aurais jamais supporté une seule de ces nuits, et j'en ai eu une multitude ", écrit-il. Vers 1906, au coeur d'une de ces nuits terribles où un démon va même jusqu'à s'interposer entre lui et l'icône du Christ, Silouane, complètement désespéré, s'adresse au Seigneur : " Tu vois que je m'efforce de te prier avec un esprit pur, mais les démons m'en empêchent. Apprends-moi ce que je dois faire pour qu'ils cessent de me déranger. " Il reçoit alors dans son âme cette information : " Les orgueilleux ont toujours à souffrir des démons. " Il demande : " Seigneur, apprends-moi ce que je dois faire pour que mon âme devienne humble. " Et de nouveau, il entend dans son coeur cette réponse du Christ : " Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas ". Aussitôt, le starets Silouane va agir selon ce " commandement ", appliquer ce remède à son âme malade. C'est le début d'une nouvelle période - à nouveau une quinzaine d'années - où, armé de ce glaive spirituel, il va mener un long combat contre l'orgueil. Peu à peu, son esprit trouvera le repos en Dieu, et l'Esprit Saint témoignera de son salut. À partir de 1920, une nouvelle période commence, tranche de sérénité et de paix marquée par la victoire contre les pensées et les démons, l'entrée " dans les hautes sphères de la sainte impassibilité ". C'est au cours de cette période qu'il va rédiger ses écrits que son plus proche disciple, le Père Sophrony, recueillera à sa mort, en 1938. UNE PAROLE DE SALUT " Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas ". Il vaut la peine de s'arrêter un instant sur cette phrase, qui est la manifestation par excellence de l'actualité du starets Silouane, l'expression synthétique de son enseignement spirituel - de la voie vers la sainteté et le salut qu'il a tracée - et l'une des clefs de son rayonnement. C'est une parole qui frappe et qui interpelle, une phrase mystérieuse et problématique. Elle peut être, en effet, comprise de différentes manières, à différents niveaux : spirituel, mais aussi psychologique. Parfois même elle choque. Des gens lui trouvent un relent de masochisme ou de morbidité, et la rejettent. Il faut donc en parler, mais avec humilité, en sachant qu'il est non seulement difficile, mais quasiment impossible d'en comprendre et d'en dire vraiment tout le sens profond. Pour cela, il faudrait en avoir fait soi-même l'expérience, avoir été ou être soi-même dans le même état spirituel que Silouane. Comme c'est rarement le cas - ce n'est en tout cas pas le mien - il convient d'approcher cette parole un peu à la manière de Moïse devant le Buisson ardent, c'est-à-dire avec beaucoup de prudence et de révérence. Il en va de cette phrase comme de toute parole de Dieu : les problèmes et les malentendus commencent quand nous l'abordons non pas à partir de la Lumière divine, de l'Esprit Saint, mais avec les catégories de notre raison humaine, trop humaine, avec la logique et la sagesse de ce monde. Je crois qu'il faut accepter qu'avec cette parole, il y a un moment où nous avançons dans un espace intérieur, dans des eaux si profondes et si mystérieuses que l'esprit humain perd simplement pied. Comment donc comprendre cette phrase, " tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas " ? Je distinguerai, sans les séparer, trois sens possibles. D'abord, une signification plutôt psychologique, sans doute la plus éloignée de sa portée originelle : une parole de réconfort. C'est la manière dont elle est le plus souvent reçue, comprise dans le monde. Une réponse, consolatrice, à la souffrance humaine. Un viatique, une aide pour tous ceux qui peinent sous le poids du monde et de l'existence, qui sont confrontés au malheur, à la maladie, la solitude, etc. Une façon de dire : " Ma vie est un enfer, mais Dieu, à travers Silouane, me dit que, même dans ces conditions difficiles, il ne faut pas désespérer. " Ensuite, une interprétation que je dirais analogique, plus proche déjà de l'expérience particulière du starets Silouane, mais sur un plan plus général : cette parole est l'expression, singulière, de la loi spirituelle fondamentale du christianisme, telle qu'elle apparaît dans la croix - comme mort et victoire sur la mort - et les Béatitudes : bienheureux ceux qui pleurent, sont affamés, persécutés, car ils connaîtront la gloire de Dieu... Ce qui compte dans cette approche, c'est moins les termes proprement dits de la phrase que le mouvement, paradoxal et antinomique, qui les unit : d'un côté la souffrance, l'enfer, la mort " tiens ton esprit en enfer " -, de l'autre la béatitude, l'espérance, la résurrection - " mais ne désespère pas ". Mouvement qui est celui de notre baptême - mort du vieil homme et résurrection du nouvel homme en Christ - mais aussi celui de l'ascèse, par laquelle nous actualisons et faisons fructifier la grâce de ce même baptême. Ascèse qui, dans son sens profond, n'est qu'une manière de suivre le Christ, qui nous a montré que le chemin vers la Résurrection, le Royaume de la vie éternelle, passe par la croix et l'enfer. En ce sens, ce que trace cette parole n'est autre que la voie du repentir : " On ne peut arriver au Royaume, où rien d'impur ne pénètre, que par de grandes souffrances, un esprit brisé, d'abondantes larmes ", écrit le starets Silouane. Autrement dit, on n'accède à la Résurrection que par la mort, à la vraie Lumière que par les ténèbres (l'abandon des fausses lumières), à la joie que par la souffrance. De même que le Christ s'est vidé de sa divinité pour prendre condition d'esclave, nous devons nous vider de nous-mêmes, nous purifier de nos passions,. pour créer, dans notre coeur, un espace où la grâce de l'Esprit Saint pourra agir, vivre, manifester sa présence. Et ce qui nous remplit de nous-mêmes, fait obstacle à la grâce, c'est, comme le dit le Christ à Silouane, l'orgueil. Ni plus ni moins que la racine de tout mal, la source de tous les tourments, qui a fait tomber Adam et Ève en éveillant en eux le désir de devenir comme des dieux. Mais comment lutter contre l'orgueil, comment guérir de cette maladie ? Il n'y a qu'un moyen, qui est d'ailleurs le but de l'ascèse : l'apprentissage de l'humilité. Pour le starets Silouane, l'humilité, c'est la porte du salut, la clef du combat spirituel, la source de la liberté, " la lumière dans laquelle nous pouvons voir la Lumière ". Le modèle de cette humilité, c'est évidemment le Christ, mais aussi la Vierge Marie, qui a su renoncer à sa volonté propre pour vivre selon la volonté de Dieu. D'où cette nouvelle interrogation : comment devenir humble ? C'est justement à cette question que le Christ répond par sa parole, qu'il offre à Silouane comme un moyen thérapeutique. Et nous arrivons ici à la troisième interprétation, spécifique : " Le Seigneur m'a enseigné à tenir mon esprit en enfer et à ne pas désespérer, et c'est ainsi que mon âme apprend l'humilité (...). C'est ainsi qu'on triomphe des ennemis ", écrit le starets Silouane. Cet outil thérapeutique qui permet de guérir de la maladie de l'orgueil, cette arme spirituelle contre les passions, c'est l'autocondamnation. Le starets Silouane, qui n'hésite pas à se considérer lui-même comme un " chien galeux ", écrit : " On doit s'estimer pire que tous les êtres et se condamner à l'enfer. Je ne suis pas digne de Dieu ni du Paradis. Je suis digne des tourments de l'enfer et, éternellement, je brûlerai dans le feu. Quand je tiens mon esprit en enfer, mon âme est en paix. Quand, en revanche, je laisse mon esprit sortir du feu, les pensées qui ne plaisent pas à Dieu retrouvent leur force. " Attention, il convient ici de bien comprendre le sens des mots. Et particulièrement la signification du mot " enfer ". Pour cela, il nous faut sortir d'un certain imaginaire encore très marqué par les représentations médiévales. Royaume de la mort, l'enfer n'est pas un lieu géographique - par exemple le lieu où Dieu n'est pas - mais un état spirituel, l'état de l'âme coupée de Dieu à cause de ses péchés, c'est-à-dire, pour être encore plus précis, l'état de l'âme plongée dans l'amour de Dieu, mais encore trop opaque, trop fermée, trop pleine de passions pour en recevoir la lumière et y répondre. Comme le dit saint Isaac le Syrien, " les tourments de l'enfer sont les tourments de l'amour. " Dans cette perspective, la phrase du Christ au starets Silouane exprime simplement le repentir à son plus haut degré d'incandescence. Le feu de l'enfer n'est autre que le feu de l'amour de Dieu, l'enfer n'est autre que l'action du feu de la grâce sur l'âme non encore purifiée des passions. On ne dira jamais assez l'importance du repentir pour le starets Silouane. Par le repentir, nous dit-il, tout est réparé. Les péchés sont pardonnés. L'Esprit Saint nous est donné. Les saints sont des hommes comme les autres, pareils à nous. Beaucoup sont de grands pécheurs. Simplement, par le repentir, ils sont parvenus au Royaume des cieux. L'homme orgueilleux ne peut être sauvé que par le repentir. À celui qui se repent, Dieu donne sa paix, le Royaume éternel, le Paradis, la liberté de l'aimer. Le starets Silouane le répète : Si tous les hommes se repentaient, gardaient les commandements divins, le Paradis serait sur terre. Car le Royaume des cieux est au-dedans de nous. Alors, masochiste, doloriste, épouvantable, cette injonction du Christ à Silouane ? Pas plus que n'importe quelle parole de l'Évangile. Et d'autant moins qu'elle se termine, s'ouvre sur la miséricorde. La deuxième partie de la phrase - " et ne désespère pas " - est en effet absolument indissociable de la première - " tiens ton esprit en enfer ". " Ne désespère pas ", c'est-à-dire ne tombe pas dans la redoutable passion du désespoir, qui n'est qu'une autre forme, extrêmement subtile, de l'orgueil, de l'amour de soi, de l'ego enroulé et fermé sur lui-même. Comme le dit Silouane : " J'aurais succombé sous le poids de mes péchés et, depuis longtemps déjà, je serais en enfer, si le Seigneur et la Très-Pure Mère de Dieu n'avaient eu pitié de moi... J'aurais désespéré de mon salut si Dieu ne m'avait pas accordé la grâce du Saint-Esprit. Il faut se condamner soi-même, mais ne pas désespérer de la miséricorde et de l'amour divin. " Autrement dit, il faut espérer fermement en Dieu. Car Dieu, qui nous aime plus que tout, veut notre salut. Ce n'est pas lui qui crée l'enfer, c'est le pécheur lui-même. Si le Christ, par ses souffrances, nous a donné sur terre le Saint-Esprit, s'il a offert son corps et son sang en sacrifice pour l'humanité entière, s'il a prié et demandé le pardon pour ceux qui le crucifiaient, comment pourrait-il nous refuser ce que nous lui demandons ? Non, il ne nous refusera rien. Il nous donnera, en temps voulu, tout ce dont nous avons besoin, même ce que nous n'attendons pas. À une condition toutefois : que nous nous repentions sincèrement, que nous nous humiliions devant lui, que nous pardonnions aux autres, que nous priions avec plus d'audace et d'espérance. Ce qui n'a rien d'évident, puisque cela va à l'encontre, à rebours de tout ce à quoi le monde nous invite et nous pousse. On le voit. Comme le montre le théologien Jean-Claude Larchet dans une étude à paraître dans le premier numéro des Cahiers Saint-Silouane, Buisson ardent, le conseil du Christ au starets Silouane témoigne d'un remarquable équilibre. Il permet de vaincre les deux pensées qui, habituellement, mènent l'homme à la perdition : " je suis un saint " et " je ne serai pas sauvé. " Une espérance qui priverait l'homme de la conscience de son péché (et donc de l'humilité) serait, spirituellement, aussi néfaste qu'une conscience du péché qui priverait l'homme de toute espérance, de tout espoir d'être sauvé. Sur cette phrase, en conclusion, j'aimerais encore relever deux points : D'abord, son caractère absolument traditionnel. Dans sa nouveauté, sa force de frappe, la modernité même de sa formulation, cette parole du Christ à Silouane s'inscrit parfaitement dans l'enseignement et la tradition des Pères de l'Église. Comme le révèle Jean-Claude Larchet dans l'étude que je viens de mentionner, les antécédents patristiques de cette phrase sont nombreux. Le starets Silouane lui-même fait référence à certains Pères du Désert, comme Abba Poemen qui dit : " Croyez-moi, là où est Satan, c'est là que je serai. " Comme saint Antoine aussi, envoyé par Dieu chez un cordonnier d'Alexandrie qui, toute la journée, répète : " Tous seront sauvés, moi seul périrai. " En suite, la prudence que la mise en oeuvre de cette parole requiert. Comme tous les commandements de l'Évangile, cette parole du Christ à Silouane a une double dimension : particulière et universelle. Particulière dans le sens où elle a été adressée à une personne dans un contexte précis. Universelle dans la mesure où, par son origine divino-humaine, elle vaut pour tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux. Chacun peut donc l'appliquer à sa propre vie. Simplement, il faut le faire avec sobriété et discernement. Le starets Silouane le dit lui-même : " Dans cette pratique, il faut connaître ses propres limites afin de ne pas écraser son âme. Apprends à te connaître et ne charge pas ton âme au-delà de ses forces. " Saint Silouane était un géant spirituel et il était capable d'endurer l'ascèse la plus extrême sans sombrer dans le désespoir ou la folie. Mais les âmes n'ont pas toutes la même force. Comme le disait l'un des proches de l'Archimandrite Sophrony, la parole " tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas " est du feu, de l'alcool à l'état pur, à 90 degrés. La prendre telle quelle, c'est risquer de se brûler : certaines personnes, en essayant de se plonger mentalement, spirituellement, en enfer, se sont rendues malades. Il faut donc l'adapter à sa propre situation, à ses propres capacités spirituelles et psychiques. En principe valable pour tous, cette formule n'est donc, en réalité, pas à la portée de chacun. Plutôt que de l'appliquer littéralement, il convient d'en saisir l'esprit, de trouver pour soi-même - par analogie - le chemin de l'humilité. Pour la plupart d'entre nous, si je me réfère à l'enseignement du Père Sophrony, cela consistera avant tout à vivre dans le repentir, à s'accuser soi-même de ses propres fautes et à ne pas juger son frère - comme nous le disons dans la prière de saint Éphrem pendant le Grand Carême. Cela reviendra aussi à apprendre, patiemment, à accepter, utiliser les souffrances et échecs de la vie quotidienne comme des épreuves que le Seigneur nous, envoie pour nous éduquer sur le chemin de l'humilité. C'est, si j'en crois par exemple les lettres d'un autre spirituel russe - l'Higoumène Nikon - le chemin que nombre de Russes ont choisi pour leur sanctification au temps de la persécution de l'Église : non pas l'ascèse artificielle des moines, mais l'ascèse naturelle de la commune trame des jours avec toutes ses difficultés et ses peines. LA COMPASSION UNIVERSELLE J'en viens maintenant au troisième et dernier point de mon exposé : la prière pour le monde entier et son corollaire, l'amour des ennemis. C'est une prière que le starets Silouane répète souvent dans ses écrits, sous diverses formes, et qui a été retenue par l'iconographe russe Leonid Ouspensky, le premier à avoir peint une icône du starets dans les années 60, c'est-à-dire avant qu'il soit canonisé : " Seigneur miséricordieux, écoute ma prière. Fais que tous les peuples de la terre te connaissent par le Saint-Esprit ". Entre la parole précédente - " tiens ton esprit en enfer..." - et cette prière, qui à elles deux résument tout le message du starets Silouane, il y a un lien, un passage du repentir personnel au repentir ontologique. C'est-à-dire une transformation du repentir de l'âme individuelle pour ses propres péchés en un repentir, beaucoup plus vaste et profond, pour les péchés de l'humanité entière. Comment une telle ouverture, une telle transformation est-elle possible ? C'est au fond très simple. Plus le coeur, par le repentir, se purifie de ses passions, plus il est habité par l'Esprit Saint. Plus l'Esprit Saint agit en lui, le transfigure, plus il se christifie, s'unit au Christ. Plus le Christ vit en lui, plus il se sent porteur de ce que le Christ a récapitulé dans sa personne : l'Adam total, l'humanité entière et même, comme le dit saint Maxime le Confesseur, toute la création. On touche là à la plénitude, la perfection de l'amour. C'est à cette compassion universelle que le starets Silouane va parvenir, lui un paysan de la campagne russe de la fin du siècle dernier, quasi illettré, hostile aux journaux et qui n'est sorti de chez lui que pour venir au Mont Athos. C'est à cet amour pour tous les peuples de la terre que la vision du Christ, intériorisée et intégrée dans tout son être par sa longue descente en enfer, va le conduire. Le message du starets Silouane ici est clair : l'homme qui reçoit la grâce de vivre une grande expérience mystique ne doit pas s'enfermer dans son extase. Il peut oublier le monde pour un temps - histoire de s'adonner pleinement à la contemplation - mais il ne saurait s'y abîmer. Il doit revenir à lui-même, se souvenir de la création. " Celui qui a connu Dieu par le Saint-Esprit prie et verse des larmes pour le monde entier ", écrit-il. Il a compassion de tous, de tous les hommes qui souffrent à cause de leur orgueil et sont privés de la grâce, de tous les peuples qui sont plongés dans la souffrance, la famine et la guerre. Le starets Silouane ne cesse de le redire : l'âme animée par le Saint-Esprit s'afflige quand elle voit l'autre souffrir. Elle désire pour lui, pour tout le monde, la même grâce qu'elle a reçue. Elle veut que tous les hommes connaissent le même bonheur, la même béatitude, qu'ils se repentent, voient la gloire de Dieu, connaissent sa miséricorde, afin que toute douleur et tout mal soient chassés de la terre. Afin que la paix règne. L'amour, le vrai amour, ne souffre pas la perte d'une seule âme. " Notre frère est notre propre vie, dit le starets Silouane. Seront glorifiés ceux qui, parce qu'ils étaient pleins de l'amour du Christ, ont porté la souffrance du monde entier. " Du monde entier, c'est-à-dire aussi de leurs ennemis (Mt 5, 44), et même des démons qui, s'étant éloignés de la vérité de l'amour, se sont condamnés à l'enfer. Car nous dit le starets Silouane, il est facile d'aimer un saint, mais un grand pécheur, quelqu'un qui nous offense, nous méprise, nous fait du mal, persécute l'Église ? Aimer ses ennemis, c'est suivre le Christ, qui est mort sur la croix pour le salut de ses ennemis, qui leur a pardonné. Aimer ses ennemis, c'est compatir, savoir qu'ils endurent une grande souffrance à cause de leurs passions et donc prier pour eux. Le starets a vécu et écrit aux heures les plus noires de l'histoire de la Russie, au temps des purges staliniennes. Il savait, dans son coeur, la souffrance extrême de son peuple. L'amour des ennemis était sa réponse à la persécution de l'Église russe. Mais il était plus que cela : la conséquence de la vie selon l'Évangile, le critère ultime de la vraie foi et de la justesse de notre vie spirituelle, la preuve absolue de la véritable communion avec Dieu et de la présence en nous de la grâce. L'amour des ennemis est ce qui, en-deçà et au-delà de tous les rites, constructions théologiques et expériences mystiques, témoigne de la vérité de l'Église. Là-dessus, le starets Silouane est impitoyable, catégorique : qui a la force de l'amour des ennemis connaît le Seigneur Jésus Christ en esprit et en vérité. Qui, en revanche, ne l'a pas, est encore entre les mains de la mort ; la grâce, l'amour de Dieu n'est pas vraiment, pleinement en lui. Autrement dit, il n'a pas encore vraiment connu Dieu tel qu'il est c'est-à-dire qu'il n'est pas encore " orthodoxe ". Et le starets d'ajouter : " L'âme qui n'a pas l'amour des ennemis n'aura jamais la paix ; elle se tourmentera et fera souffrir les autres ". Nous touchons là au sens profond du deuxième commandement du Christ : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Mt 22,39). Ce " comme toi-même " n'indique pas la mesure dont il faut aimer notre prochain. Il dit l'unité ontologique, la consubstantialité du genre humain, divisée par la chute mais restaurée par le Christ. Aimer son prochain comme soi-même, c'est l'aimer comme sa propre vie. C'est, écrit le Père Sophrony, " à l'instar du Christ Jésus priant au jardin de Gethsémani, vivre réellement toute l'humanité comme une seule vie, une seule nature en une multiplicité de personnes. Si chaque personne humaine, créée à l'image de la Trinité, parvient à contenir, inclure dans sa propre existence la totalité de l'existence humaine, au même titre que chaque personne de la Trinité est porteuse de toute la plénitude de l'Être divin, alors tout le mal qui s'accomplit dans le monde ne sera plus considéré seulement comme quelque chose qui nous est extérieur, mais comme notre propre mal. " Oui, on ne se sauve pas seul. Mon salut n'est pas mon affaire, ma seule petite affaire, individuelle. C'est un événement ontologique, qui concerne toute l'humanité, l'Adam total. Toute l'humanité, mais plus encore que cela : toute la création, tout ce qui a été créé par Dieu. Le starets Silouane, qui marche ici sur les pas de saint Isaac le Syrien, nous parle de la tristesse qui l'accable après avoir arraché une feuille d'un arbre sans nécessité, des larmes abondantes qu'il verse pendant trois jours pour avoir blessé à mort une mouche qui l'énervait ou versé de l'eau bouillante sur des chauves-souris pour s'en débarrasser. Il écrit : " Depuis ce jour-là, je n'ai plus fait de mal à aucune créature. L'Esprit de Dieu nous apprend à aimer tout ce qui vit. " Le salut, ici, devient non seulement un événement ontologique, mais un événement cosmique. Le salut de toute l'humanité, du cosmos entier, est une part de mon propre salut. Pour le starets Silouane, " le moine est, fondamentalement, l'homme qui prie et pleure pour le monde entier. " En cela, la Vierge Marie est son modèle et il est le modèle de tout chrétien. Le starets Silouane, comme l'a dit Thomas Merton, est un vrai moine. Il est donc notre modèle. Conférence prononcée à l'Abbaye de Sylvanès en juin 1995, et publiée dans Contacts, no. 171, vol. 47, 3, 1995. + + + ON THE LOVE OF ENEMIES: THE TEACHING OF ST. SILOUAN (in English) By Jean-Claude Larchet www.icommunion.org/silouan.htm Although it is natural and usual to love those who love us and to do good to those who do good to us (Mt 5:46-47; Lk 6:32-33), to love our enemies is distasteful to our nature. One can say that it isn't in our power but is an attitude that can only be the fruit of grace, given by the Holy Spirit. This is why St. Silouan the Athonite writes, "The soul that has not known the Holy Spirit does not understand how one can love one's enemies, and does not accept it." The Staretz repeatedly says that love of enemies is impossible without grace: "Lord, You have given the commandment to love enemies, but this is difficult for us sinners if Your grace is not with us"; "Without God's grace we cannot love enemies"; "He who does not love his enemies, does not have God's grace"; "He who has not learned to love from the Holy Spirit, will certainly not pray for his enemies." On the contrary, St. Silouan always teaches that this attitude is a gift of the Holy Spirit: "The Lord has commanded us to love our enemies, and the Holy Spirit reveals this love to us"; "One can only love one's enemies through the grace of the Holy Spirit"; "When you will love your enemies, know that a great divine grace will be living in you." This grace does not suddenly erupt in the soul, but rather shows itself in a divine pedagogy, where taking into account the weakness and the difficulties of man, the Holy Spirit progressively teaches him to love and teaches him all the attitudes and ways which will allow him to do so. "The Holy Spirit teaches us to love even our enemies"; "The Holy Spirit teaches the soul a profound love for man and compassion for the lost. The Lord had pity for those who were lost. . . . The Holy Spirit teaches this same compassion for those who go to hell"; "I could not speak about it if the Holy Spirit had not taught me this love"; "The Lord taught me love of enemies. . . . The Holy Spirit taught [me] to love." The grace of the Holy Spirit shows to him who possesses it the way to love his enemies. But it also reveals to him the foundation of this love: the love of God for all people and His will to save them: "No man can know by himself what divine love is if the Holy Spirit does not instruct him; but in our Church divine love is known through the Holy Spirit, and that is why we speak about it." Grace also "gives man the capacity and the strength to love his enemies, and the Spirit of God gives us the strength to love them." Staretz Silouan insists that because love of enemies is a fruit of grace, it is essentially through prayer that it can be obtained. Several times he urges us to "ask the Lord with our whole being to give us the strength to love all men." He also advises to pray to the Mother of God and the Saints: "If we are incapable [of loving our enemies] and if we are without love, let us turn with ardent prayers to the Lord, to His Most Pure Mother, and to all the Saints, and the Lord will help us with everything, He whose love for us knows no bounds." The Staretz confesses that he himself constantly prays God for this: "I continuously beg the Lord to give me the love of enemies. . . . Day and night I ask the Lord for this love. The Lord gives me tears and I weep for the whole world." Wishing in his universal love for all men to receive such a gift, he links them to himself in his prayer: "Lord, teach us through Your Holy Spirit to love our enemies and to pray for them with tears . . . Lord, as you prayed for your enemies, so teach us also, through the Holy Spirit, to love our enemies." Yet obtaining the grace to love one's enemies presupposes other conditions. The love of enemies is completely bound to the love of God: we have seen that the principal foundation for the love of enemies is the love that God shows to all His creatures equally and His will that all people should be saved, and Christ gave us a perfect example of such love throughout his earthly life. The love of God leads man to accomplish His will and to imitate Him as much as possible, and so also to love his enemies. The Staretz also notes that he who does not love his enemies shows that he has not learned from the Holy Spirit to love God. To love one's enemies is also tightly bound to humility. The Staretz often associate these two virtues. Almost all the difficulties we encounter in loving our enemies are linked with pride: it is from pride that flows the affliction that follows upon insults, hated, bad temper, spite, the desire for revenge, contempt for one's neighbor, refusing to forgive him and to be reconciled with him. Pride excludes the love of enemies and love of enemies excludes pride: "If we love our enemies, pride will have no place in our soul." The fact that humility goes hand in hand with love of enemies proves the presence of grace and the authenticity of love: "If you have compassion for all creatures and love your enemies, and if, at the same time, you judge yourself the worst of all people, this shows that the great grace of the Lord is in you." Indeed humility is the indispensable condition to receive and keep the grace that teaches us to love our enemies and gives us the strength to do so. The Staretz advises: "Humiliate yourself, then grace will teach you." On the other hand, "pride makes us lose grace. . . . The soul is then tormented by bad thoughts and does not understand that one must humiliate oneself and love one's enemies, for without that one cannot please God." The Staretz sometimes also stresses the role played by penitence in connection with humility. "Regard yourself the worst of men," he advises. This is an attitude of great humility that of its nature implies penitence. He who counts himself the worst of men necessarily thinks others better than himself; he will judge and blame himself, and not judge and criticize his enemies, for he tends to estimate them better than himself. The Staretz also gives us the example of another penitential attitude — asking God's forgiveness each time one has not loved one's enemy: "If I judge someone or look at him angrily, my tears dry up and I fall into despondency; and again I start asking the Lord to forgive me, and the merciful Lord forgives me, a sinner. "Through such an attitude, by which the soul humbly recognizes before God its faults and shortcomings and obtains from Him forgiveness, an opening can be made that becomes bigger and bigger for grace and unceasing progress in love. As to a total absence of compassion for enemies, it shows the presence and the action of an evil spirit; sincere repentance is the only way to be freed from it." The insistence on prayer, humility and penitence shows that, although St. Silouan recognizes a determining role to the action of grace in acquiring love of enemies, he does not neglect the role played by the efforts that man makes. The Staretz is very conscious of the importance of the initial action; this is why he says, "I beg you, try," and states, "In the beginning, force your heart to love your enemies." The efforts one makes must manifest themselves in a general way in a straight intention and constant good will, stretched toward the realization of God's command. God will not fail to respond. For the person who feels discouraged by such a demanding task, St. Silouan reassures him: "Seeing your good intention, the Lord will help you in everything." The Staretz who felt in himself so acutely human powerlessness and weakness seems to think constantly of these words of the Apostle: "I can do all things through Christ who gives me strength" (Phil 4:13) and witnesses in his own experience the mighty help that everyone can receive from God. --------------------------------------------------------------------------- For Christ there are no enemies The Staretz would say that for Christ there are no enemies -- there are those who accept "the words of eternal life," there are those who reject and even crucify; but for the Creator of every living thing, there can be no enemy. So it should be for the Christian, too, who "in pity for all must strive for the salvation of all." Wherein, then, lies the force of the commandment, "Love your enemies"? Why did the Lord say that those who keep His commandments would know from very experience whence the doctrine? . . . . God is love, in superabundance embracing all creatures. By allowing man to actually know this love the Holy Spirit reveals to him the path of fullness of being. To say "enemy" implies rejection. By such rejection a man falls from the plenitude of God. . . ."The whole paradise of Saints lives by the Holy Spirit, and from the Holy Spirit nothing in creation is hid," writes the Staretz. "God is love and in the Saints the Holy Spirit is love. Dwelling in the Holy Spirit, the saints behold love and embrace it, too, in their love." . . . .[It] is possible to judge whether a given state of contemplation was a reality or an illusion only after the soul had returned to consciousness of the world; for then, as the Staretz pointed out, if there were no love for enemies and so for all creatures, it would be a true indication that the supposed contemplation had not been a real communion with God. -- The Monk of Mount Athos (London: Mowbrays, 1973) by Archimandrite Sophrony; pp 70-71 --------------------------------------------------------------------------- Jean-Claude Larchet is professor of philosophy and a specialist in Patristics living in France. This is a section of a longer essay published in Buisson Ardent by the Association Saint-Silouane l'Athonite in the society's journal (Maxime Egger, secretary, Le Sel de la Terre, 79 avenue C-F Ramuz, CH-1009 Pully, Switzerland). As space allows, we hope to publish more of the essay in future issues. The translation was made by Mother Lydia of the Orthodox Cloister of St. John the Forerunner in The Hague. reprinted from In Communion (issue 8, Pascha 1997) + + + [TSITATA NEDELI] NEDELJA 10 PO PJATIDESJATNITSE (in Russian) [Öèòàòà íåäåëè] Íåäåëÿ 10 ïî Ïÿòèäåñÿòíèöå http://www.dol.ru/kirsft/vvs/Mudrosti/50-10.html Åñòü ëþäè, êîòîðûå æåëàþò ñâîèì âðàãàì, èëè âðàãàì Öåðêâè ïîãèáåëè è ìóê â àäñêîì îãíå. Òàê ìûñëÿò îíè ïîòîìó, ÷òî íå íàó÷èëèñü ëþáâè Áîæåé îò Äóõà Ñâÿòîãî, èáî òîò, êòî íàó÷èëñÿ, áóäåò ïðîëèâàòü ñëåçû çà âñåõ íèõ. (Ñòàðåö Ñèëóàí Àôîíñêèé) + + + BLESSED ARE THEY THAT HUNGER AND THIRST AFTER RIGHTEOUSNESS, FOR THEY SHALL BE FILLED (extract) (in English) By Archpriest Victor Potapov http://www.stjohndc.org/beatitud/9302.htm <...> The venerable elder Siluan of Athos advanced the original idea that only he who has known God and then lost Him can seek Him again. The venerable Siluan thought that every search for God somehow follows an experience of God. God uses no force against man, but patiently stands by the human heart and humbly waits until the heart opens to Him. God Himself seeks a man before that man begins to seek Him. At a suitable moment, the Lord reveals Himself to a man, the man comes to know God only then, according to the measure given him, and he then begins to seek God, Who steals away from his heart. The elder Siluan says: How can you seek that which you had not lost? How can you seek that which you completely had not known? But the soul knows the Lord, and therefore seeks Him (pages 43-44). <...> From: Parish Life (February 1993) The Russian Orthodox Cathedral of St. John the Baptist, Washington, D.C. © 1996 by The Russian Orthodox Cathedral of St. John the Baptist 4001 17th St. Northwest, Washington, D.C. 20011-5302 (202) 726-3000 + + + CLIMB THE LADDER OF THE BEATITUDES (extract) (in English) By Jim Forest http://www.claret.org/~salt/1997/may/beat.html The following article appeared in the May/April 1997 issue of Salt of the Earth. It is posted here for private use only. It may not be reprinted in whole or in part in any manner without the permission of Salt of the Earth magazine. Salt of the Earth is published by the Claretians. For more information about Salt of the Earth or to seek reprint permission, contact: Salt of the Earth, 205 West Monroe Street, Chicago, IL 60606, or call: 312-236-7782. For subscription information, call 1-800-328-6515. <...> 7. "Blessed are the peacemakers." Only after ascending the first six rungs of the ladder of the Beatitudes can we talk about the Beatitude of the peacemaker—for only a person with a pure heart can help rebuild broken bridges and pull down walls to help us recover our lost unity. The maker of peace seeks nothing personally, not even attention or recognition. Such a person is not serving peace because it is a good deed, but because he or she has been drawn deeply into God's love and as a consequence sees each person, even the most unpleasant or dangerous, as someone beloved of God, someone made in the image of God, even if the likeness is at present damaged or completely lost. Think of the teaching of Sergius of Radonezh, another Russian saint who got on well with bears: "Contemplation of the Holy Trinity destroys all discord." How desperately we need peacemakers! We need them not only in places where wars are being fought or might be fought, but we need them in every home and within each parish. Even the best and most vital parishes often suffer from deep divisions. And who is the peacemaker who is needed? It is each of us. Often it is harder to forgive and understand someone in our own parish than an abstract enemy we see mainly in propaganda images on television. Within the church we don't simply disagree with each other on many topics, but very often we despise those who hold opposing views. In the name of Christ, who commanded us to love one another, we engage in wars in which we don't even respect our opponents, let alone love them. But without mercy and forgiveness, without love, we are no longer in communion either with our neighbors or with Christ. At the deepest level, the peacemaker is a person being used by God to help heal our relationship with God—for we get no closer to God than we get to our neighbor, and, as we know from the parable of the Good Samaritan, our neighbor doesn't just refer to the person next door of the same nationality but even more to the person we regard as "different" and a "threat." One of the saints of the 20th century, Silouan of Mount Athos, who had nearly beaten a neighbor to death in his youth, taught that love of enemies is not simply an aspect of Christian life but is "the central criterion of true faith and of real communion with God, the lover of souls, the lover of humankind." <...> Jim Forest is secretary of the Orthodox Peace Fellowship. He lives in Alkmaar, Holland. He is the author, most recently, of Praying with Icons (Orbis, 1997). Copyright © 1997 by Claretian Publications + + + BLESSED ARE THE PEACEMAKERS, FOR THEY SHALL BE CALLED SONS OF GOD (extract) (in English) By Archpriest Victor Potapov http://www.stjohndc.org/beatitud/9305.htm <...> In this way, a peacemaker is one who testifies about Christ, who fearlessly takes up his cross, and gives up his life for the Lord, whose life shows truth and love and the peace of Christ. The peace of God, writes Bishop Ignatius Brianchaninov, is accompanied by the clear presence of the Holy Spirit in a man; it is the activity of the Holy Spirit (Ascetical Experiences, page 594). Venerable Seraphim of Sarov, in his conversation on the acquisition of the Holy Spirit, measures the power of the peacemaker on human society: Acquire the spirit of peace and thousands around you will be saved. The soul cannot have peace, teaches Elder Siluan of Athos, if it will not study the law of God day and night, for this law is written by the Spirit of God, and the Spirit of God passes from the Scriptures to the soul, and the soul feels delight and pleasure in this. Venerable Siluan of Athos, p.133. <...> From: Parish Life (May 1993) The Russian Orthodox Cathedral of St. John the Baptist, Washington, D.C. © 1996 by The Russian Orthodox Cathedral of St. John the Baptist 4001 17th St. Northwest, Washington, D.C. 20011-5302 (202) 726-3000 + + + LESSONS FROM THE FATHERS - A PARABLE (extract) (in English) http://www.stjohndc.org/fathers/9611d.htm An eagle was flying in the heights and delighting in the beauty of the word, and he thought: "I cover great expanses, and I see valleys and mountains, seas and rivers, meadows and forests. I see towns and settlements, and how men live; while here a village rooster knows nothing except his own yard. I shall fly to him and tell him about the life of the world." The eagle flew onto the roof of the country house and saw how gallantly and merrily the rooster was strolling amidst his hens. And the eagle began to speak to the rooster of the world's beauty and wealth. At first, the rooster listened with attention, but did not understand anything. The eagle, seeing that the rooster did not understand anything, was saddened, and it became hard for him to speak with the rooster; while the rooster, not understanding what the eagle was saying, began to be bored, and it became hard for him to listen to the eagle. Thus it happens when a learned man speaks with an unlearned man, but even more when a spiritual man speaks with an unspiritual man. A spiritual man is like the eagle, while an unspiritual man is like the rooster; the mind of a spiritual man meditates on the law of the Lord day and night and by prayer ascends to God, while the mind of an unspiritual man is attached to the earth or occupied with thoughts. And when a spiritual man meets an unspiritual man, intercourse for them both is boring and difficult. Venerable Siluan of Athos <...> From: Parish Life (November, 1996) The Russian Orthodox Cathedral of St. John the Baptist, Washington, D.C. © 1996 by The Russian Orthodox Cathedral of St. John the Baptist 4001 17th St. Northwest, Washington, D.C. 20011-5302 (202) 726-3000 + + + III. LETTERS FROM OUR READERS >Dear Alexander, > > Congratulations on the first issue of "Saint >Silouane and Father Sophrony: News in Internet." >What a labor of love! Thank you for sending it to >me. Will it be made available on a web site? > > <...> > > In Christ's peace, > Jim Forest > > * * * > Kanisstraat 5 / 1811 GJ Alkmaar / > The Netherlands > tel: (+31-72) 511-2545 / > fax: (+31-72) 515-4180 > e-mail: jim_forest@compuserve.com > Orthodox Peace Fellowship web site: > > Jim & Nancy Forest web site: > Dear Jim, Thank you of your congratulation... Unfortunately, we don't have yet our own Russian web site. So we now can also to send "Saint Silouane and Father Sophrony: News in Internet" by e-mail. But we are thinking about the special Russian web site conserning St.Silouane and Fr.Sophrony and we will let know about it to all our readers as soon as possible. With love in Christ, Alexander Gurevich, Editor + + + Compiled by Russian Association Saint Silouan E-mail: + + + If you would like to receive by e-mail bulletins of the Russian Association Saint Silouan, please let us know.